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Courage et résilience – Le témoignage de Céline

  le 03 février, 2021

Je m’appelle Céline, j’ai 29 ans et je suis infirmière dans la ville de Sherbrooke depuis bientôt 7 ans. Début 2019, alors enceinte de notre premier bébé, nous apprenons qu’une tumeur progresse dans ma moelle épinière entre C1 et C5. Une magnifique équipe compétente et rassurante nous prend alors en charge et nous suit tout au long de ma grossesse jugée « à risque ». Il est difficile de nous représenter ce qui nous attend à ce moment-là, mais notre force est de toujours rester positif et surtout de vivre un jour à la fois.

Au printemps, des symptômes neurologiques et de la douleur apparaissent et progressent. Je vis chaque deuil de cette maternité telle que je l’avais rêvée Je concentre alors mes efforts sur le simple fait d’amener mon bébé au plus près du terme. Certaines journées sont plus difficiles que d’autres en grande partie à cause de la douleur mais je ne compte pas la laisser m’empêcher de créer de beaux souvenirs et je prépare son arrivée comme n’importe quelle future maman. La grossesse donne peu de possibilité de m’administrer des médicaments pour me soulager. Je suis suivie de très près par une multitude de professionnels, toutes spécialités confondues, qui font équipe ensemble pour nous offrir le meilleur. Je ne les remercierais jamais assez car ils ont rendu ces épreuves beaucoup plus faciles à accepter et à traverser.

Le 30 juillet, après qu’en l’espace d’une fin de semaine, je perde la proprioception de main droite, je me rends à mon rendez-vous de suivi. L’équipe de grossesse à risque décide alors de procéder à une césarienne. J’accepte de comprendre que j’ai donné le maximum pour mon bébé mais qu’il est temps de penser à moi si je veux être là pour lui ensuite. La douleur m’affaiblit, même si j’essaie de me prouver l’inverse, j’ai de la misère à m’alimenter et à dormir. Accoucher me permettra ainsi de pouvoir recevoir de plus grosses doses de corticostéroïdes pour me protéger de l’œdème causé par la tumeur et me donner la chance de me faire opérer avec le moins de séquelles possible.

Le 2 août 2019, à 33 semaines, nait notre fils Paul, poussant un cri de combattant à la seconde où il a pris son premier souffle. À ce moment-là, rien de ce qu’on pouvait m’annoncer allait me faire douter ou abandonner. Les allers retours en néonatalogie commencent, j’y berce mon bébé autant que possible à travers les rendez vous pré-opératoire. On me demande de préparer mon testament, de vérifier mes assurances vies et mes directives anticipées. C’est probablement la chose qui m’a été le plus difficile à faire à cette étape. Cela n’avait tellement pas de sens.

Les neurochirurgiens m’opèrent 19 jours plus tard dans le but de décomprimer la moelle épinière. Ils doutent de pouvoir retirer la lésion puisqu’elle est très infiltrée et qu’il est difficile de faire la différence avec le tissu sain, les dommages pouvant être irréversibles, voire mortels. Malgré tout, j’y vais avec une grande sérénité et leur offrant ma confiance toute entière.

Bien sûr que le matin de mon départ, j’ai bercé mon bébé, sur mes deux jambes, en me demandant si c’était la dernière fois que j’en avais la chance. Mais je savais que c’était ma seule option pour vivre. J’ai eu raison d’y croire puisque je me suis réveillée, bougeant mes deux bras et mes deux jambes avec 90% de la tumeur RETIRÉE! Une première bataille de remportée de cette guerre contre un ennemi encore inconnu. On nous avait prédit un astrocytome anaplasique mais malheureusement la bête a été plus féroce:

GLIOBLASTOME MULTIFORME (GBM)

Une tumeur cérébrale de grade 4. J’aurais certainement eu plus de chance de gagner à la loterie puisque l’équipe de neurochirurgie n’avait, à ce jour, aucun cas connu dont la localisation se trouve dans la moelle épinière.

C’est ainsi que je suis référée à Dr David Fortin qui m’explique que je recevrais le même traitement que si la tumeur était logée dans le cerveau. A l’automne, je complète alors un cycle d’un mois de radiothérapie combiné à une chimiothérapie puis 6 autres cycles de chimiothérapie que je termine en avril.

Et comme si ce n’était pas suffisant, la vie m’envoie un autre défi. En effet, parallèlement à cela, je développe une cyphose importante et rapide de ma colonne cervicale m’obligeant à porter un collier rigide durant 5 mois. Une opération est nécessaire pour redresser et fixer mes vertèbres à cet endroit. Un autre coup dur qui aurait bien pu me décourager et me faire douter mais je rêve encore de me relever pour mon fils et être la maman qu’il mérite d’avoir.

Je ne peux pas aller le récupérer dans son lit et le consoler lorsqu’il pleure. Je n’arrive pas à l’habiller de tout ces beaux vêtements que j’avais pris soin de préparer en attendant sa naissance. Je ne peux lui donner son bain seule, ni l’emmener prendre une marche. Alors je me console en me disant que ce qui compte c’est ma présence tout simplement. Nous passons nos journées collés et à mesure qu’il grandit, je le regarde évoluer et jouer près de moi. Il est si serein et joyeux que je ne peux pas baisser les bras sur le plus beau cadeau que la vie m’ait fait.

Je travaille sur ma dextérité en pratiquant des passions qui me tiennent à cœur comme la peinture, la couture ou même simplement cuisiner. J’apprends à écrire de la main gauche, à tenir des ustensiles ou un verre, à nouer mes cheveux, faire mes lacets… Bref, toutes sortes de choses qui étaient si naturelles avant. Et je pense qu’à force de persévérance, d’encouragement de mes proches et aussi des professionnels qui travaillent avec moi, j’ai surpassé bien des attentes.

Tout cela n’aurait pas été possible sans l’aide que nous avons reçu. Une véritable chaîne de solidarité s’est créée pour nous apporter du soutien, du réconfort ou parfois simplement une présence, de la part de la famille et de nos amis d’ici et d’ailleurs. Une vie entière ne suffirait pas pour les remercier d’avoir pris part à notre combat et nous avoir apporté autant de chaleur et de bienveillance.

Aujourd’hui, 18 mois se sont écoulés depuis le diagnostic et la bête est stable. J’apprends à dompter la douleur pour lui donner le moins de place possible au quotidien, qu’elle soit plus petite que mes ambitions même si je sais qu’elle est permanente. J’ai retrouvé mon permis de conduire récemment, je suis en réintégration progressive au travail mais avant tout et surtout, je m’occupe de mon fils autant que je le souhaite. Je sais que je ne peux pas rattraper les moments que j’aurais aimé vivre à sa naissance mais je peux maintenant lui prendre la main et lui montrer le chemin.

Il a été compliqué de reprendre un rythme après les traitements. On ne parle pas assez du vécu après les soins. Pour ma part, je m’étais isolée socialement inconsciemment et la réalité m’a vite rattrapée quand j’ai voulu reprendre un peu plus le contrôle de ma vie et de mon corps. C’était comme si pendant tout ce temps, j’avais regardé le monde tourner sans moi. Je me sentais comme un étrangère et énormément en décalage. C’est d’autant plus difficile quand j’ai caché ces épreuves très longtemps à mon réseau social, par peur un peu, par honte aussi. Ce combat m’a appris qu’accepter de l’aide, ce  n’était pas pour autant être faible. Et de l’aide, on en a reçu, ici ou à distance. On en a reçu tellement qu’aujourd’hui j’ai le cœur qui se serre en y repensant.

Une année remplie de petits et de plus gros deuils. Certains ont laissé des cicatrices bien plus douloureuses que cette tumeur. Une année pour apprendre à accepter que beaucoup de choses ont changé et qu’il faudra s’y faire. Une année pour me faire comprendre que c’est correct d’en parler, parce qu’un combat n’est possible que lorsqu’il est connu.

Ce serait mentir de dire que je pense que la vie n’a plus rien à m’offrir. Je suis persuadée que je suis encore là pour une raison, mon fils en est la preuve, et je pense que j’ai encore des choses à partager, beaucoup d’amour à répandre et des rêves à réaliser. Il est impossible de savoir de quoi sera fait demain, ou bien dans 6 mois ou dans 5 ans, mais c’est le même lot pour tout le monde alors pourquoi devrais-je mettre des barrières? Je me disais souvent que cette tumeur n’avait pas choisi la bonne personne mais finalement maintenant mon combat c’est que plus personne n’ait à subir l’épreuve d’un tel diagnostic. Marcher une année de plus pour la Fondation c’est marcher une année de plus tout simplement, et avec l’espoir un jour de trouver ce traitement qui n’existe pas encore.

J’en profite pour remercier mes proches qui ont été là, mon conjoint, ma famille, amis & collègues qui se reconnaitront, puis tout ces professionnels qui ont été sur notre chemin: les neurochirurgiens Dr Pimenta et Dr Blanchard, Dr Fortin neuro-oncologue, Dr Caron en médecine interne, Dr Bertelle er Dr Massé en néonatologie, Dr Ebacher radiooncologue, Dr Beaulac, l’équipe d’obstétrique, Mélanie nutritionniste, Simon ergothérapeute, Mélanie physiothérapeute, Edith infirmière pivot, techniciennes en radiologie, résidents, infirmières et infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes (merci Danielle), préposées, agentes administratives, travailleuses sociales, bénévoles… Vous avez tous fait une différence.

 

Céline Bricout

 

Encouragez mon équipe à la Marche des tumeurs cérébrales 2021:

https://btfc.akaraisin.com/ui/BTW2021FR/p/aindienne