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L’histoire de Sophie

  le 20 décembre, 2019

J’ai 35 ans. Dans une semaine 36. Je n’ai jamais été aussi heureuse de vieillir et de rendre hommage aux cheveux blancs naissants.

Un point d’interrogation ponctue désormais le sommet de ma tête et finit, en suspens, au-dessus de mon oreille gauche. Nouvelle marque du temps, de la vie qui, parfois, te ramasse au tournant. Ses questionnements sans réponse.

Cela fait 3 mois, aujourd’hui, presque heure pour heure, minute pour minute, seconde pour seconde, souffle pour souffle, battement de cœur pour battement de cœur, qu’un intrus menaçant a été retiré, sans égard, de ma tête comprimée. Le soleil était brûlant alors et nous narguait au pied du lit d’hôpital.
J’apprends aujourd’hui à composer, jeune femme écervelée, avec d’un côté, la fatigue sournoise de la convalescente, qui met à terre sans prévenir, langue pendante et œil larmoyant et, de l’autre, l’énergie de vie gargantuesque de la rescapée. « Je veux vivre comme un feu d’artifice » signait Daoust.
Le « tic-tac » nonchalant de la plaque de titanium, installée au creux de mon oreille, accompagne(ra) désormais mes réveils.
Fatiguée, je suis, abattue, parfois, mais guérie, avant tout. Et libérée, surtout, des mauvais tours que me jouaient depuis plusieurs mois mes neurones étouffés. Un mot pour un autre. Des absences répétées, identité troublée et une douleur indicible. Le cerveau reste un territoire, à bien des égards, méconnu. C’est pourtant là que tout se joue.
Bien que libérée, on se sent bien seule, par moment, dans l’après. « Rentrez chez vous ma p’tite madame et profitez de la vie ». Si seulement, c’était si simple. […] « Et ma tête, tu sais ce qu’elle te dit ma tête ? ». Chercher ses mots, écrire partout pour ne pas oublier, inviter aux chuchotements, bénir le silence, le temps que là-haut, l’hypothalamus et l’aire de Broca se réapproprient les lieux. S’accorder patience. Oser le demander à son entourage. L’exiger.
Heureusement, il existe des « appuis-têtes », justement, précieux : la Fondation québécoise du cancer, la fondation canadienne des tumeurs cérébrales, le groupe de soutien l’appui-tête, le Cerveau à tous les niveaux, petite perle de l’université McGill. Sensibiliser, témoigner, échanger, se rassurer, se sentir soutenu et appuyé. Si bénéfique. Si salvateur.
Mai est le mois de la sensibilisation aux tumeurs cérébrales. #Braintumour. Les paroles des « écervelés », tantôt tourmentées, tantôt pleines d’espoir, m’ont profondément aidé dans le brouillard alors je témoigne à mon tour.
« dans la grande famille des mots
je m’en choisis pour passer l’hiver
des mots en laine du pays
cette année j’ai choisi le mot guérison
le mot liberté
des mots qui tiennent bien au chaud » – Godin
Solidairement,
Sophie