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De patiente à défenseuse des droits

  le 03 mars, 2025

L’idée de l’« avant et après » trouve un écho chez Claire Snyman. C’est au cours de sa vie « d’avant » qu’elle a rencontré son mari en Afrique du Sud, son pays natal. Le couple s’est ensuite installé à Sydney, en Australie, puis à Vancouver, en Colombie-Britannique, où leur fils est né.

C’est le 18 mai 2010 que l’« après » allait commencer.

« Vous voyez ce que je veux dire quand certains souvenirs refont surface? », demande Claire. « C’est à ce moment-là que tout a changé. »

Le jour où tout a basculé

Maman d’un enfant alors âgé de quatre ans, travaillant comme consultante en marketing dans les domaines pharmaceutique et biotechnologique, Claire a soudainement commencé à souffrir de migraines et de vertiges. Son médecin lui a suggéré de se rendre aux urgences pour écarter la possibilité d’une méningite.

Les médecins ont pratiqué une ponction lombaire et effectué des analyses sanguines, et ont envoyé Claire passer une tomodensitométrie (CT scan).

« Je me souviens très bien d’avoir été allongée sur la table pour le scan et d’avoir levé les yeux », dit-elle. « Il y avait une feuille d’érable sur le toit. »

C’est un moment qui est ancré dans sa mémoire, tout comme le moment qui a suivi. De retour à son lit aux urgences, elle a entendu les médecins discuter à l’extérieur de la pièce.

« C’est vraiment un cas rare », se souvient-elle avoir entendu dire un médecin. « Et j’ai pensé : »Oh, c’est dur pour la personne dont ils parlent». Je ne savais pas qu’ils parlaient de moi. »

Le neurologue de garde lui a annoncé qu’elle souffrait en fait d’une méningite virale, mais qu’elle était aussi atteinte d’une tumeur cérébrale non maligne appelée kyste colloïde. Cependant, la tumeur n’était pas considérée comme la cause de ses symptômes et, étant de taille moyenne, les médecins ont estimé que les risques liés à une intervention chirurgicale l’emportaient sur les avantages.

On a conseillé à Claire de revenir chaque année pour des IRM afin de surveiller sa tumeur et de consulter son neurologue pour la gestion de ses migraines.

« Je pense que ce qui a été le plus difficile pour moi, c’était de devoir vivre avec le fait d’avoir quelque chose dans la tête qui n’était pas censé être là, et l’incertitude, chaque fois que j’avais une migraine », dit Claire. « Je me souviens de la douleur que j’ai ressentie en pensant : «Est-ce que je vais voir mon fils grandir?» »

Vivre dans l’incertitude

Étant donné l’emplacement de sa tumeur, on craignait qu’elle ne bloque le flux de liquide dans le cerveau de Claire, provoquant ainsi un gonflement, ou hydrocéphalie. Se sentant mal informée sur son état de santé, Claire a commencé à effectuer des recherches en ligne dans l’espoir d’en savoir plus.

Elle a trouvé un groupe de soutien sur Facebook pour les personnes atteintes du même type de tumeur qu’elle, qui touche trois personnes sur un million. Le groupe Facebook comptait environ 250 membres, précise Claire, ce qui lui a apporté un certain réconfort.

« On peut se perdre dans un vortex d’informations vraiment sombre et profond », dit Claire. « Cela me faisait du bien d’être entourée d’autres personnes pour contrebalancer ça, et d’entendre ce qu’elles faisaient et quelles étaient leurs expériences. »

Elle a également dû apprendre à naviguer dans le système de santé, expérience qu’elle décrit comme un véritable « baptême du feu ».

Les consultations fréquentes chez son médecin de famille, les rendez-vous avec différents spécialistes et la prise de médicaments, entre les IRM et les visites aux urgences, lui ont causé énormément de stress.

« Il fallait déterminer quand c’était une urgence, quand ce ne l’était pas, quand c’était une migraine, quand ce ne l’était pas », explique Claire. « J’ai eu de la difficulté à apprendre à gérer ça et à vivre dans le présent, et non dans les »et si». »

Claire a fait face à l’incertitude en demandant un deuxième, et même un troisième avis.

« Je devais m’assurer d’avoir confiance en l’équipe médicale qui m’entourait », explique Claire. « Ma tumeur cérébrale est rare et Vancouver est une ville relativement petite. Comme je voulais obtenir plus d’un avis, je suis allée en chercher d’autres. »

Le soutien de sa famille a été d’une grande aide, tout comme le fait de prendre du recul par rapport au travail. Un an après l’annonce de son diagnostic, Claire a décidé de réduire ses heures de travail, passant de cinq à quatre jours par semaine, afin de passer plus de temps avec son fils.

« D’une certaine manière, ces choses vous amènent à réévaluer vos priorités. »

Faire confiance à son instinct

Elle a aussi continué à consulter régulièrement son équipe médicale, jusqu’à ce qu’on lui dise, 18 mois après son diagnostic, que les IRM n’étaient plus nécessaires, car sa tumeur était stable.

Claire a demandé un deuxième avis à un autre professionnel de la santé, qui lui a recommandé de continuer à passer régulièrement des IRM. Elle dit donc avoir commencé à passer des IRM dans une clinique privée, mais cette expérience a ébranlé la confiance qu’elle avait en son « cercle de soins ».

Environ deux ans après son diagnostic, Claire s’est réveillée en ayant l’impression que la pièce tournait. Elle souffrait d’une migraine qui ne se dissipait pas, malgré la prise de médicaments. Son médecin de famille lui a prescrit des médicaments supplémentaires, qui n’ont pas été plus efficaces. Une semaine plus tard, son médecin de famille lui a recommandé de retourner aux urgences, en lui donnant une note à remettre à l’urgentologue.

« À ce moment-là, je ne me sentais pas bien », dit Claire. « C’était comme si j’étais sonnée, je me sentais fatiguée, je savais que quelque chose n’allait pas. »

L’urgentologue a communiqué avec le neurologue de Claire, qui a suggéré l’administration de médicaments contre les migraines par voie intraveineuse. Bien que Claire ait demandé à passer un scan, ce qui avait également été recommandé par son médecin de famille, elle a été renvoyée chez elle sans en avoir passé un.

Elle a demandé un deuxième avis à un médecin situé aux États-Unis, qui lui a conseillé de passer immédiatement une IRM. Après avoir effectué une autre IRM dans une clinique privée, Claire a appris que sa tumeur avait doublé de volume et que son cerveau était enflé, ce qui indiquait une hydrocéphalie.

N’estimant pas avoir reçu les soins appropriés de la part de son neurologue, Claire a de nouveau demandé un deuxième avis avant de partir avec son mari pour les États-Unis.

Survivre à l’intervention chirurgicale, et la suite des événements

« À mon arrivée, je suis allée directement aux soins intensifs, car mon état se détériorait », explique Claire. « Je savais que je devais subir une intervention chirurgicale au cerveau, mais je ne ressentais rien, car à ce moment-là, mon cerveau était trop enflé pour traiter les émotions. Mes jambes commençaient à s’affaiblir et ma mémoire à s’estomper. C’est pourquoi je n’avais pas vraiment peur de subir une opération au cerveau jusqu’à ce que je sois allongée sur la table d’opération. »

L’opération de Claire, qui a duré huit heures, s’est avérée un succès. Elle a passé cinq jours de plus en soins intensifs, avant de devoir y retourner pendant deux semaines en raison des symptômes qu’elle continuait d’éprouver.

Claire affirme qu’elle n’était pas préparée à la longue période de convalescence.

« Même six mois après l’opération, je dormais pendant la journée », dit-elle. « Je dormais cinq heures pendant la journée et je dormais aussi une nuit complète, parce que mon cerveau était tout simplement à bout. »

Sous les soins d’un nouveau neurochirurgien, Claire a appris que cela pouvait prendre jusqu’à un an avant qu’elle ne se sente à nouveau « normale ».

« Il avait vu juste », dit-elle à propos de la prédiction de son neurochirurgien. « Au bout d’un an, j’ai commencé à me sentir bien. Mais je pense que cela se jouait sur deux niveaux : d’une part, il y avait l’aspect physique de la convalescence après une opération au cerveau, et d’autre part, l’aspect mental, avec les défis qui en découlaient. »

L’importance de la santé mentale

C’est lors d’une promenade avec une amie, qui lui a posé des questions sur son bien-être mental, que Claire a pris conscience qu’elle traversait une période difficile.

« Chaque fois que j’allais dormir, surtout pendant la journée, mon esprit passait en revue tous les détails de la semaine qui avait précédé mon opération au cerveau », explique Claire. « C’était comme une bobine de film. »

Une psychologue a posé un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) à Claire.

« Elle a dit : «Ton cerveau ne se sent pas en sécurité, et nous devons le ramener dans un endroit calme et sûr» », se souvient Claire.

Elle a commencé à écrire ses pensées et ses émotions afin de faire face à la situation. La psychologue lui a éventuellement suggéré d’en faire un livre pour aider les autres.

« Je me suis dit : «Wow, je n’y avais jamais pensé» », raconte Claire.

Claire a changé sa façon d’écrire, en choisissant ses mots en fonction de ses lecteurs. En 2015, son premier livre, intitulé «Two Steps Forward: Embracing life with a brain tumour», a été publié.

« Cela m’a apporté beaucoup de joie et d’inspiration », déclare Claire. « Cela m’a permis d’accéder à un tout autre monde, celui de faire des rencontres et de vivre de nouvelles expériences. »

« C’est incroyable ce que l’on peut faire quand on est prêt à se montrer vulnérable et à partager son histoire avec les autres. »

Souhaitant trouver un moyen de redonner à la communauté, Claire a commencé à faire du bénévolat dans le cadre du programme GOcervo(BrainWAVE) de la Fondation canadienne des tumeurs cérébrales, ce qui lui a valu un Prix bénévole de distinction en 2017. Elle s’est impliquée au sein du programme pendant dix formidables années, affirmant avoir adoré cette expérience.

« J’ai une lésion cérébrale, ce qui entraîne des problèmes de mémoire à court et à long terme ainsi que des difficultés cognitives », explique-t-elle. « Je dois être consciente de mes limites et utiliser mon énergie de manière réfléchie en ce moment. »

Une voix pour le changement

En 2018, Claire a pris part à une conférence TED, qui est devenue le sujet de son deuxième livre :ACTIVATE: How to save your life in a complex health care system.

Actuellement, Claire œuvre à améliorer l’expérience des patients, tant au niveau national qu’international.

« Je sais que ce sont souvent les petites choses qui permettent d’améliorer grandement la situation » dit-elle, en parlant de son expérience en tant que patiente, et maintenant en tant que patiente partenaire, dans le système de santé.

Elle insiste sur l’importance de défendre vos droits en ce qui concerne votre santé, compte tenu de ce qu’elle a vécu.

« Il est important d’entrer en contact avec des personnes qui vivent la même chose que vous et de faire valoir vos droits en matière de santé, car personne d’autre ne le fera à votre place », dit-elle. « Si je n’avais pas demandé un deuxième avis, je ne serais pas ici aujourd’hui. La santé mentale des personnes atteintes d’une tumeur cérébrale doit également être prise en compte et devenir une priorité. »

Claire a dirigé des réunions virtuelles avec des patients, des familles, des proches aidants et des membres des équipes de soins pendant la pandémie de COVID-19, dans le but d’apprendre ce qui comptait le plus pour eux dans leur parcours.

« Je sais ce qui compte le plus pour moi, mais je voulais savoir ce qui compte le plus pour tout le monde », dit-elle.

Ce qui ne l’a pas étonnée, ce sont les défis liés à la santé mentale qui ont été évoqués. Avec l’aide d’une autre survivante d’une tumeur cérébrale, Claire a créé une section sur son site Web destinée à aider les personnes souffrant de problèmes de santé mentale.

« En fait, je pense que j’ai trouvé un meilleur équilibre dans mon travail », dit-elle. « Les personnes que je rencontre, les lieux où je peux prendre la parole, les conférences auxquelles je peux assister, tout cela a beaucoup plus de sens pour moi que ce que j’aurais pu imaginer. Donc, je pense que c’est le bon côté de tout cela. »

Pour ce qui est des autres bons côtés, la famille de Claire a appris à apprécier son nouvel état d’esprit.

« J’ai dû faire le deuil d’un tas de trucs, car je ne peux plus faire les choses avec la même facilité qu’avant », explique Claire. « Mais, comme dit mon fils, «c’est tellement cool que tu puisses regarder des films plein de fois, parce que tu ne t’en souviens pas!» Il faut trouver des raisons d’être reconnaissant. »

Écouter son corps

Claire a également appris à savoir quand dire non.

« Mon cerveau m’envoie un signal d’alerte, comme un feu jaune, pour me prévenir que si je ne ralentis pas, je vais droit vers un feu rouge », « Quand ce feu rouge s’allume, je n’ai souvent plus le choix. Mon corps réagit immédiatement. C’est comme s’il me disait : « Il faut que tu ailles dormir tout de suite. » Je vais peut-être devoir passer la journée au lit, ou peut-être annuler mes réunions. Je dois toujours faire attention aux feux de signalisation dans ma vie. »

Ralentir a été un élément clé du parcours de Claire : écouter son corps et son cerveau, et accepter que cela soit maintenant sa réalité.

« Dans la vie, le changement est la seule certitude », affirme-t-elle. « Il se passe toujours quelque chose, alors il faut juste se laisser porter par la vague et trouver comment la surfer. »